La création de Remember Me

L'ORIGINE DE L'ASSO

L’avion nous attendait sur le tarmac. Nous le regardions, crispées, la boule au ventre. Qu’est-ce qui nous avait pris d’entamer ce long périple en direction de la Roumanie ? Et surtout, qu’est-ce qui nous attendait « de l’autre côté » ? Mais pas question de reculer, car nous savions ce qui nous réunissait : EUX.

Nous atterrissons à Bucarest et, très vite, trop vite, nous croisons leurs regards… Ceux pour qui nous sommes là, ceux pour qui nous nous mobilisons : les « stray », les chiens errants de Roumanie. Nés dans un pays qui ne veut pas d’eux et promis à une mort certaine. Nous nous arrêtons au premier que nous voyons, ralentissons au second, mais très vite, il nous faut nous rendre à l’évidence et comme tous les bénévoles sur place, nous apprenons à détourner le regard, le cœur lourd, car ils sont bien trop, et nous bien trop peu…

Après 7h de route, où nous avons croisé tellement de chiens, morts ou vivants, que nous avons arrêté de les compter, nous atteignons enfin Pascani. Cette ville hante nos nuits depuis des années et en lisant son nom sur les panneaux, nous en croyons à peine nos yeux. Nous retenons notre souffle. Nous nous attendons à l’horreur ; ce que nous découvrons est bien pire. Nous avions imaginé le purgatoire, nous visitons l’enfer. La fourrière de Pascani, sinistre et isolée, nous glace le sang. Plus de 120 chiens sont parqués dans de minuscules boxes, surpeuplés. Tous couchés, ils recouvrent probablement l’intégralité de la surface qui leur a été allouée. Le vent nous cingle, mais ce n’est pas lui qui est à l’origine des larmes qui coulent sur nos joues. Nous sommes fin septembre, il a gelé dans la nuit, nous tremblons. Au bout d’une heure sur place, nos doigts s’engourdissent, nos lèvres bleuissent. Comment imaginer ce que vivent ces chiens la nuit, ou pire, au cœur de l’hiver, quand la neige couvre les abris et réclame le silence ? Impossible, et pourtant vrai. Dans un coin, la mort, tapie, attend son heure…
Dans un box noir totalement sombre et glacé, recouvert de déjections, plus de 15 chiots nous fixent avec terreur. Ils n’ont que quelques mois, certains sont recroquevillés dans des trous, d’autres pleurent leur désespoir sans fin, d’autres encore hurlent de peur quand on les touche… A côté, une petite mère courage, squelettique, allaite 4 chiots minuscules, qui doivent avoir 2 mois mais n’en paraissent pas plus d’un… Ils étaient 6 au départ… Epuisée, elle mourra dans la nuit.

Après l’effroi vient la prise de conscience. Il y a du sang partout par terre, ce n’est pas « normal », si tant est que quelque chose dans cette horreur le soit. Un chiot ne mange plus depuis quelques temps, nous le sortons de l’enfer pour tenter de le sauver. Il meurt dans la nuit et le diagnostic tombe : parvovirus. Tous sont porteurs, tous sont condamnés. Le médicament qui pourrait les sauver n’est pas disponible ici, au fin fond de la Roumanie. Nous le commandons mais il n’arrivera que 3 jours plus tard. Bien trop tard pour eux. Un deuxième chiot meurt dans la nuit, un troisième dans nos bras. Nous tentons le tout pour le tout, avec les moyens du bord. Nous essayons de les perfuser, sans succès, ils sont déjà beaucoup trop anémiés. Leurs pattes sont gelées et quand nous trouvons finalement une veine, alors que le sang devrait couler à flot, rien ne vient. Leurs gencives sont déjà blanches, leur regard porte vers un autre monde. Dans nos bras, Remember, magnifique chiot femelle de 4 mois, s’éteint peu à peu. La chaleur que nous nous efforçons de lui transmettre ne parvient plus à l’atteindre. Quelques heures plus tard, elle s’éteint, petite étoile de mer dans un océan de souffrance…

Grâce aux formidables bénévoles sur place, Carmina et Lucian, nous parvenons à sauver les autres. Avec eux, nous partageons le pire. Et indubitablement, un lien se crée. Nous lisons dans leurs yeux le reflet de notre propre désespoir face à la situation de la fourrière. Mais aussi l’espoir, ténu mais réel, de parvenir à changer les choses. Ce qu’ils nous disent nous glace le sang : l’hiver arrive et les problèmes avec lui. Ce que nous avons vu n’était pas le « pire ». Nous repartons le cœur lourd, les larmes aux yeux. Nous ne sommes restées que 3 jours, cela nous semblait déjà une année. Comment les abandonner ?

A Bucarest, nous visitons d’autres refuges, tous faces à des problématiques différentes. Carmina, elle, a préféré un petit refuge, où tous ses chiens sont bien suivis, mais elle ne dispose que de ses propres ressources financières. Elle a dû emprunter pour financer des travaux nécessaires pour améliorer les conditions de vie de ses chiens. Bien souvent, eux avaient à manger, quand elle se couchait le ventre vide. Nous allons rendre visite à ses grands-parents. Ils ont 70 et 80 ans, et pourtant ils continuent à sauver des vies. Le peu qu’ils ont, ils le donnent à leurs animaux. Pas plus tard que la veille, un voisin a jeté un chiot par-dessus leur clôture. Le petit bout est adorable, mais semble en piteux état… Il ne se nourrit pas. Nous apprendrons par la suite que lui aussi a le parvovirus, mais il a au moins la chance d’être né à Bucarest, et d’avoir une bonne étoile, ou plutôt deux : Carmina et Mircea, son mari.

Anda et Alina, pour leur part, sont en situation critique. Après avoir dû déménager leur refuge quelques mois plus tôt, le nouveau propriétaire du terrain qu’elles louent a décidé de se débarrasser d’elles et de leurs chiens… Elles peuvent se voir expulsées du jour au lendemain. Désespérées, elles songent au pire : relâcher tous ces chiens qu’elles ont réunis pour leur éviter la mort. Elles n’ont que deux jours de réserve de nourriture devant elles, le budget que cela représente par mois est colossal : plus de 1000€, alors que le salaire moyen est de 200€. Comment les abandonner ?
Le dernier jour de notre voyage, tous les bénévoles de Bucarest sont réunis pour protester contre le massacre des « stray », le massacre de leurs chiens. Nous rencontrons ceux qui veulent faire bouger les choses, notamment Stefan Eck, député allemand élu au Parlement Européen, et Rémus Cernea, parlementaire roumain. Nous ne pouvons nous empêcher de prendre le micro et de raconter ce que nous avons vu et vécu. Nous leur parlons de nous, mais surtout d’eux, ces formidables bénévoles qui donnent tout ce qu’ils ont, tout leur temps et leur argent, pour ces chiens dont personne ne veut. A leur place, trouverions-nous la force et le courage nécessaire ? Et qui leur témoignera du soutien si nous ne le faisons pas ? Qui leur donnera la force de continuer leur difficile et éreintant combat, seuls contre tous, dans un pays qui les condamne et les pointe du doigt ? Comment les abandonner ?

Nous ne savions pas ce que nous étions venues chercher, nous savons ce que nous avons trouvé : la force et le courage de les épauler dans leur combat et de venir en aide aux stray de Roumanie. Et surtout, surtout !, plus jamais nous ne voulons oublier. Nous serons là, aujourd’hui, demain, toujours. Notre association Remember Me est née, et jamais nous ne les abandonnerons.

Vanessa

Magnifique article, qui m'arrache les larmes à chaque fois, car votre vécu me font venir les images en tête

très joli texte très émouvant des larmes, bcp de larmes me viennent et le visage de bcp de ces chiens, que j'ai vu en photos et certains dont le mien qui avait énormément souffert de la cruauté de l'homme et de la dureté de la vie, la maladie et la souffrance l'ont rattrapé 6 ans , après!!l la douleur la rendu agressif, j'ai du le laisser partir, en ayant un affreux goût d'une forme d'échec: et s'il n'avait pas été pendu et s'il n'avait pas été attaqué par d'autres chiens, aurait il mieux supporter la douleur de sa maladie?aurait il malgré tout attaquer ces deux compagnes de vie qu'il aimait tant et ayant faillit me blesser moi aussi parce qu'il ne me reconnaissait plus dans ces moments de douleurs qui lui faisait perdre la tête.Ce chien qui était un ange et remplissait notre coeur de bonheur, qu'on aille bien ou mal, j'ai parfois le sentiment que ce monde pourri me l'a volé, j'ai hurlé tout ce que j'ai pu mais ça n'a rien changé, il devait parti, il me l'a fait comprendre bien sur mais s'y résoudre était la pire chose que j'ai eu à faire!!merci pour tout ce que vous faites, grâce a des gens comme vous j'ai passé 6 ans auprès d'un ange

Comme l'Homme est inhumain, et partout dans ce monde tant de mouroirs existent
...je suis vide et je suis meurtrie depuis tant d'années, depuis qu'enfant j'ai vu comme on attachait les lapins sur les marchés pour les dépiauter à vif, depuis que j'ai découvert les cruautés, les horreurs, la terreur infligées aux animaux, TOUS, en dépliants ou sur internet, les ours d'Asie dans des cages à peine aussi larges que leurs corps pour extraire leur bile, les chiens entassés puis égorgés sur les marchés en Chine pour le repas du midi...etc etc etc
Ce monde est innomable, j'ai honte
'Journée internationale sans viande', le 20 mars
Tous mes encouragements à Remember me

Horrible réalité et magnifique initiative, impossible de ne pas verser une larme...
Bravo et courage aussi aux roumains qui font tout ce qu'il peuvent...
Je suis de tout coeur avec vous...

Mais quelle horreur!!! Jamais je n'aurai pu imaginer cela!!! les larmes coulent et impossible de les ravaler!!! pffff

Félicitation à vous tous!!! longue vie à votre association!!!

Bouleversant ! merci à Remember me.

Je vais mettre ici quelques photos de ce que c'était alors, de l'horreur que nous avons vécue sur place, de ces cauchemars à jamais gravés dans notre mémoire...

Balthier, loulou handicapé, qui vivait alors dans la minuscule clinique louée par la mairie à l'époque et mise à disposition de Lucian... Il a été adopté en Angleterre peu de temps après via une autre association, mais est décédé quelques mois plus tard en raison de ses très gros problèmes.
A Pascani sa situation était tout simplement insoutenable.



L'un des minuscules chiots que nous avons trouvés dans un boxe de la fourrière, quand nous y sommes arrivé... Ils étaient 4 avec leur maman... On les a sortis de là, la maman est morte d'épuisement dans la nuit, comme si elle savait maintenant que nous allions nous en occuper et qu'elle pouvait lâcher prise. Nous avons transféré les bébés chez Carmina à Bucarest pour qu'ils aient une chance de survie, seuls Neptune et Zénith ont survécu et ont été adoptés ensuite via Remember Me, c'était au tout début de l'asso.



Le boxe des chiots... Les photos parlent d'elles-mêmes

 

La fourrière





Remember, notre étoile et emblème de notre association, peu de temps avant son décès



Avec ses frères et soeurs, tous atteints du parvo







Un chiot malade que nous avions isolé, c'était le premier d'une longue série de décès, il est mort pendant la nuit



Et North, l'un des chiots, intouchable, prostré dans un angle, qui a été adopté via une autre association ensuite




Ces photos ont été prises en septembre 2014, lors de ce premier voyage sur place.

Je n'ai jamais oublié.

Wow les photos parlent d'elles meme...quel calvaire...ca ne m'etonnes pas que ces souvenirs vous hantent..mais quel travail accompli depuis, quel devouement et quelle determination!
Je vous admire tres sincerement, vous etes des supers heroines de la vraie vie!

Bravo pour l'officialisation d'ailleurs ^^

Quelle honte...
Et dire que vous avez certainement posté les photos les plus "acceptables".

...quand je pense qu'à la SPA de HAGUENAU on m'a refusé un chien parce qu'il était condamné à rester seul quelques heures par jours !

Ha, ha, ha...    
Maintenant je peux rire de ces combattants de l'injustice humaine, de ces gens qui se revendiquent "garde-fous" ;
Encore des guerriers qui n'ont jamais mis les pieds sur un champ de bataille, ha, ha, ha !

(c'est malin maintenant... Je n'arrête plus de rire !)

c'est quoi quelques heures? le motif du refus ne me semble pas vraisemblable , tous les propriétaires de chiens ne sont pas rentiers, retraités ou sans emploi ..... ,

Moi aussi, je lis ce poste pour la première fois, aujourd'hui. Je me sens humble, au plus haut degré...

MERCI à vous tous/toutes pour votre dévouement. Je me souviens trop bien de ce premier SOS pour les chiens de Pascani - malheureusement, je ne pouvais rien faire, à ce moment-là...
J'espère pouvoir faire davantage, dorénavant.
Longue vie à cette association - quel travail qu'elle fait!

Bravo pour votre travail et dévouement....

Juste... Bravo et merci <3

je n'avais jamais vu ce post,c'est ignoble

Magnifique article ... Quelle expérience! Je souhaite longue vie à votre association. Elle a du en sauver des malheureux...
Il vous faudrait un petite comptage qui tourne a chaque adoption pour rester motivé!
Courage à vous tous

Merci beaucoup... Nous allons atteindre très très prochainement les 1000 animaux sauvés

Récit poignant. Bravo à Remember Me et à toutes ces personnes formidables.

moi qui avais lu l'article sur un autre site , je n'avais jamais vu les images
je ne trouve rien à dire à part MERCI et MERCI encore à vous tous, ici et là bas

Je me suis permise de vous prendre la photo de Remember afin de la remettre à l'honneur par un jolie portrait que j'ai fais faire par une artiste professionnel de dessins afin de remercier toute l'équipe de RM et vous le méritez largement, pour ce magnifique combat mené pour sauver tout ces loulous

Magnifique!!!

Superbe merci beaucoup Nelly !!!